Le 29 septembre 1864 et la naissance de l’AIT

mis en ligne le 11 décembre 2014
Vers 1860, la nécessité de constituer une organisation ouvrière internationale devient évidente à de nombreux militants. L’initiative de créer cette organisation revient à deux groupes d’ouvriers impliqués dans les luttes dans leurs pays respectifs : un groupe de dirigeants syndicalistes anglais et un groupe de mutuellistes proudhoniens français :
– La classe ouvrière anglaise était puissamment organisée au plan syndical. En 1859 une grande grève des ouvriers du bâtiment de Londres avait confronté les dirigeants syndicaux à la nécessité pratique de la solidarité avec le mouvement ouvrier du continent pour empêcher l’embauche des briseurs de grève.
– Le mouvement ouvrier français avait subi une féroce répression après la révolution de 1848 et l’instauration du régime impérial de Napoléon III. En 1861 a lieu une retentissante grève des typographes parisiens. Une nouvelle génération de militants était apparue, influencée par les thèses proudhoniennes et préconisant l’association ouvrière, l’organisation de coopératives, le crédit mutuel.
En 1862, à l’occasion de l’Exposition universelle de Londres, une délégation d’ouvriers français noue des relations avec des syndicalistes anglais. Les ouvriers français sont émerveillés par le niveau d’organisation de leurs camarades d’outre-Manche. En 1863, les syndicalistes anglais invitent leurs camarades français à l’occasion d’une manifestation en faveur de l’indépendance de la Pologne. Le 22 juillet 1864, un meeting réunit les principaux dirigeants syndicaux de Londres et six ouvriers français. Le lendemain, les Anglais accueillent les Français dans une réunion restreinte où sont jetées les bases d’une entente. L’Association internationale des travailleurs est définitivement constituée au cours d’un voyage que Tolain et Perrachon, accompagnés du Limousin Passementier, font à Londres en septembre 1864. Le 29 septembre 1864, lors d’une réunion à Saint Martin’s Hall, l’AIT est constituée officiellement. Le projet français de créer des sections en Europe reliées par un comité central est approuvé. La nouvelle organisation, essentiellement franco-anglaise, intègre cependant des émigrés polonais, allemands, italiens. Un comité provisoire, auquel se joint Marx, est chargé de rédiger les statuts de l’organisation.
La structure mise en place est celle d’une association ouvrière de type syndical. Un Conseil général établit « des relations entre les différentes associations ouvrières de telle sorte que les ouvriers de chaque pays soient constamment au courant des mouvements de leur classe dans les autres pays ». Cette phrase est importante car c’est autour d’elle que vont se cristalliser rapidement les divergences entre partisans de Marx et partisans de Bakounine sur la fonction du Conseil général. On retrouvera alors l’opposition entre centralisation et fédéralisme.
À côté du Conseil général doivent se constituer des sections ouvrières locales et des fédérations nationales. L’AIT tiendra des congrès annuels souverains. Le mouvement des Trade Unions refuse d’adhérer. Très vite apparaîtront sur le continent des sections en France, en Belgique, en Suisse, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas. À partir de 1866, l’AIT va être marquée par une profonde évolution. En Europe, l’artisanat, encore important, recule devant le développement de la grande industrie. L’introduction du machinisme prolétarise successivement les différentes branches de l’industrie artisanale ; d’autres se développent. Cette restructuration de la production entraîne des mouvements de prix, de salaires, des licenciements, le chômage, des crises cycliques. Un mouvement de grèves se répand en s’amplifiant dans toute l’Europe, et dont la répression souvent féroce ne fait qu’accroître l’influence de l’Internationale, créée seulement deux ans auparavant. Les grèves, qui avaient jusqu’alors un caractère fortuit, deviennent de véritables combats de classe, qui permettent aux ouvriers de faire l’expérience pratique de la solidarité qui leur arrive, parfois, de l’étranger.