Congrès FO : le poids des appareils

mis en ligne le 19 février 2015
Le 23e congrès confédéral de la CGT-FO se déroulait du 2 au 6 février à Tours. Un peu plus de 3 000 délégués représentant autant de syndicats de « base » (pas de filtre bureaucratique pour trier les congressistes), 163 intervenants disposant en principe du même temps d’intervention (deux ou trois caciques se sont autorisés à ne pas respecter cette règle d’égalité), un travail en commission très sérieux pour définir des mandats les plus clairs possibles.
Mais, bien évidemment, derrière cette première description factuellement juste, une autre réalité existe aussi.
Ce congrès ne revêtait pas au premier abord d’enjeu majeur susceptible d’intéresser les médias. Pas de querelle de succession puisque Jean-Claude Mailly se représentait pour un quatrième mandat et que son rapport d’activité a obtenu le score quasi indépassable de 97 % de votes positifs, pas d’affaire croustillante, pas de problème majeur non plus pour définir l’action puisque la presse faisait état, avant même le congrès, de la proposition d’une journée de grève interprofessionnelle d’ici à la fin mars si possible avec la CGT. Tout semblait donc bouclé sinon blindé… Et ce fut le cas au-delà même de nos craintes.
Certes, la liberté de parole des intervenants fut totale. De nombreux militants et militantes ont ainsi expliqué l’urgence d’une vraie grève, celle qui bloque le système économique et n’annonce pas dès le début qu’elle ne durera que vingt-quatre heures. Les critiques concernant le funeste accord sur l’assurance chômage n’ont pas manqué non plus, au risque de faire tousser la direction confédérale. À noter d’ailleurs que le camarade Lardy, instigateur de l’accord, a été réélu au bureau confédéral en treizième et dernière position. Par ailleurs, les assertions venimeuses concernant le machisme supposé des militants FO qui ont fleuri dans certains médias semblent, pour le moins, exagérées même pour les militantes anarchistes (peu suspectes de complaisance à ce sujet) qui ont assisté à tous les travaux. Prétendre que les femmes occupent à peine 5 % des postes dans les instances nationales de Force ouvrière relève de la désinformation. Sur les 13 membres du bureau confédéral, on trouve 5 femmes, qui ne sont pas là pour faire de la figuration.
Les militantes et militants de la Fédération anarchiste ont pu aussi avec succès faire bouger les lignes dans les textes (résolutions) qui définissent les mandats sur toute une série de sujets, y compris pour éliminer les passages contre la décroissance. Bien évidemment, FO (comme la CGT ou d’autres) reste fortement marquée par les thèses productivistes mais, il y a encore quelques années, il aurait été impossible d’expliquer avec un certain écho que le bonheur de la classe ouvrière ne repose pas sur l’accroissement du parc d’automobiles ou le développement du nucléaire…
Mais ce congrès a montré aussi, voire surtout, le poids des appareils politiques dont certains militants évoquent la charte d’Amiens tous les quatre matins sans la connaître, et surtout pour mieux la bafouer au quotidien. Jamais, par exemple, le poids du Parti socialiste, aidé par son subsidiaire trotskiste du POI, n’aura autant sauté aux yeux. Cela s’est notamment vu au moment des élections de la commission exécutive confédérale où les petits arrangements entre « amis » ont abouti à renforcer le PS et à maintenir le pré carré du POI. Comble de cette « combinazione », l’alliance des deux a permis de faire rentrer un commandant de CRS, représentant les flics syndiqués FO, en lieu et place d’un militant ouvrier authentiquement indépendant, en charge notamment des syndicats du transport et du nettoyage. Nous savions que les bolcheviks vouaient une quasi-fascination à l’ordre, mais de là à conforter l’appareil policier pour éviter une contestation éventuelle de la direction confédérale… Seul le général Trotsky y retrouvera les siens dans cette dialectique tourmentée qui ne fait que renforcer un parti social-démocrate au pouvoir à l’heure où il satisfait toutes les demandes du patronat et de la bourgeoisie. Nul doute que ce n’est pas la lutte de classes qui sort renforcée de ces agissements.
Les militants anarchistes syndiqués à FO (depuis sa création) ne se sont jamais fait d’illusion sur les appareils mais plus que jamais il est urgent pour les syndicalistes sincèrement attachées à la charte d’Amiens de s’organiser. C’est incontestablement un enjeu majeur des prochains mois. Nous n’entendons pas le rater.

Le Père peinard