Météo syndicale

mis en ligne le 7 mai 2015
« Tant que nous endurerons les patrons, tant que nous engraisserons cette charognerie, nous serons malheureux comme les pierres du chemin. » Ainsi s'exprimait Emile Pouget en 1891 dans les pages du Père peinard. Quelques années plus tard c'était la CGT porteuse de promesses émancipatrices. Tout le mouvement anarchiste était-il uni dans cet effort militant ? Pas tout à fait, certains pensaient que le tort du syndicalisme était de s'adresser aux seuls travailleurs, que l'anarchisme s'adressait à tous les individus... Polémiques du passé ? À voir.
En ce moment où on cause des 120 ans de la CGT, ça n'arrête pas sur le glorieux passé. Que disait-on des nôtres au début du siècle dernier ? Prenons, au hasard, Alexandre Losovsky, dirigeant de l'Internationale des syndicats rouges, au début de son livre Le mouvement syndical avant, pendant et après la guerre.
« La deuxième tendance, qui est l'antipode du trade-unionisme est connue sous le nom d'anarcho-syndicalisme. Si le trade-unionisme est lié aux pays anglo-saxons, l'anarcho-syndicalisme l'est aux pays latins. En France, patrie de l'anarcho-syndicalisme, il a pris son développement maximum et c'est là qu'a surgi sa théorie, qui a rallié dans les pays latins les sympathies d'un nombre important d'ouvriers. Quels sont les traits essentiels de l'anarcho-syndicalisme ? Les trade-unionistes, comme on l'a vu, se préoccupent exclusivement des intérêts étroitement corporatifs, des intérêts de telle ou telle catégorie du travail. L'anarcho-syndicalisme (et c'est ce qui représente, certainement, le progrès qu'il a réalisé), envisage des intérêts généraux de la classe ouvrière. Ce fut jadis une réaction très saine d'une certaine partie du prolétariat contre l'opportunisme et le réformisme régnant dans les organisations syndicales et politiques. Ainsi, le premier trait distinctif de l'anarcho-syndicalisme, c'est qu'il a posé des problèmes concernant l'ensemble de la classe ouvrière et la lutte, non pour l'amélioration du système capitaliste, mais pour la destruction de ce système.
Un second trait qui caractérise les tendances anarcho-syndicalistes dans le mouvement ouvrier international, c'est son caractère antipolitique Les anarcho-syndicalistes mettent au premier plan, dans la lutte sociale, les syndicats. Sauf les syndicats, il n'y a, selon eux, aucune organisation capable de vaincre le capitalisme. Tous les partis politiques, affirment les anarcho-syndicalistes, des partis bourgeois jusqu'aux socialistes, ou même communistes, sont au point de vue social, des organisations mixtes, cependant que les syndicats sont des organisations purement ouvrières. Le parti est une union de citoyens, le syndicat est une union de producteurs. Le parti peut grouper aussi bien des ouvriers et des individus issus d'autres classes ; le syndicat, lui, n'englobe que des ouvriers. Les anarcho-syndicalistes en tirent ce principe que le syndicat doit avoir la priorité sur le parti.
Le syndicat devient ainsi l'instrument principal de la révolution sociale. D'autre part, selon les théoriciens et les praticiens de l'anarcho-syndicalisme, [...], les syndicats sont pour la classe ouvrière, non seulement un point d'appui dans la lutte pour la destruction de la société capitaliste, mais aussi la cellule d'où sortira la société future. » Diable... on aimerait connaître la suite, après les lauriers les boulets rouges, on peut leur faire confiance ! Il suffit de chercher sur internet à Losovsky : « Né en Ukraine d'une famille judéo-russe, il adhéra au Parti bolchevique en 1901. Après la Révolution de 1917, il devint le premier secrétaire général de l'Internationale syndicale rouge (Profintern). C'est à cette occasion qu'il utilisa le néologisme d'anarcho-syndicalisme, conjointement avec le terme d'« anarcho-réformisme », pour disqualifier la minorité de la CGTU. » Ben voilà, il n'y a pas besoin de discours ! Comme quoi hier comme aujourd'hui gare aux louanges diverses. Nous entendons l'anarchosyndicalisme comme une pratique actuelle, pas une simple référence au passé !