Appel d'Albert Camus

mis en ligne le 12 septembre 2005

Puisque je m'adresse à des syndicalistes, j'ai une question à leur poser et à me poser. Allons-nous laisser assassiner les meilleurs militants syndicalistes algériens par une organisation qui semble vouloir conquérir, au moyen de l'assassinat, la direction totalitaire du mouvement algérien ? Les cadres algériens, dont l'Algérie de demain, quelle qu'elle soit, ne pourra se passer, sont rarissimes (et nous avons nos responsabilités dans cet état de choses). Mais parmi eux, au premier plan, sont les militants syndicalistes. On les tue les uns après les autres, et à chaque militant qui tombe, l'avenir algérien s'enfonce un peu plus dans la nuit. Il faut le dire au moins, et le plus haut possible, pour empêcher que l'anticolonialisme devienne la bonne conscience qui justifie tout, et d'abord les tueurs.

Albert Camus, octobre 1957