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par Francis Pian • le 7 janvier 2022

Des idées et des luttes. Une histoire visuelle de Solidarnosc

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Ce moment d’éveil des consciences

Rien n’est jamais acquis, cette affirmation chantée par l’ami Brassens est particulièrement pertinente en matière politique et d’évolution des sociétés. Le cas de Solidarnosc, le mythique syndicat polonais en est la preuve. Celui qui fut, voici quarante ans, le symbole de la lutte contre le totalitarisme, la liberté d’expression et les droits politiques et sociaux de l’individu affiche actuellement, dans certaines de ses composantes, des sympathies en direction de l’extrême droite française, à telle enseigne que la plupart des confédérations syndicales françaises ont saisi la Confédération européenne des syndicats de cette situation et des propos tenus dans des publications du syndicat polonais.

A l’unisson avec les ouvriers polonais
Rappelons-nous, les grèves d’août 1980 aux chantiers navals Lénine de Gdansk ont fait vibrer l’Europe et même le monde entier. Dix ans après les émeutes de la Baltique dont la sauvage répression par l’armée et les milices fit au moins 42 morts et plus de 1 000 blessés, sans compter les arrestations. En Europe de l’Est, des ouvriers, un syndicat libre se mobilisent, exigent le respect des droits, s’opposent à la puissance du parti communiste et participent à la sortie du communisme en Europe centrale. Ania Szczepanska, historienne du cinéma, nous propose de revivre ce moment d’éveil des consciences, par une lecture nouvelle d’un mouvement d’émancipation démocratique à travers une variété d’images photographiques et filmiques peu connues dans son livre Une histoire visuelle de Solidarnosc. Bien entendu, nombre d’entre nous se souviennent des moments forts de cette lutte et de leurs réactions affectives, militantes. Comme le souligne Michel Wieviorka dans sa préface, « cette histoire a concerné et parfois impliqué le monde entier, et pas seulement la Pologne. Elle s’est jouée aussi, notamment en France, un pays qui a vibré plus que d’autres tout au long des évènements ayant marqué les années 1970 et 1980. »
C’est un mouvement social global, un mouvement total qui regroupa des millions d’individus grâce à une mobilisation ouvrière puissante et à une volonté démocratique résolue, incarnée notamment par des intellectuels. Les objectifs sont clairs : rejet du totalitarisme, rejet de la violence, souci de la négociation, acceptation d’un compromis éventuel.

La part d’humanité
Nombreux sont les ouvrages consacrés à cette période et à ce mouvement. Ania Szczepanska ne se contente pas de retracer les luttes, les espoirs, les craintes pour ne pas dire les angoisses. Qui ne se rappelle pas les inquiétudes que nous ressentions lorsque la junte militaire met fin à l’existence de Solidarnosc le 13 décembre 1981 et emprisonne 15 000 militants ? Elle s’appuie sur des images d’amateurs, de photographes professionnels, de films pour montrer l’engagement de ces milliers de femmes et d’hommes sur le terrain. Dans les propos des acteurs repris par l’auteure, l’humanité est au rendez-vous avec sa part de modestie, d’humour, de certitude d’avoir agi conformément à ses convictions.
A la lecture de l’ouvrage, on constate la communion entre les dirigeants et ce que l’on appelle la base. Pour saisir un tel lien, rien de tel que l’image qui nous permet d’accéder à des facettes inconnues. Trop souvent les livres ont un caractère hagiographique et unilatéral. La démarche d’Ania Szczepanska permet aussi de mieux connaître l’adversaire du mouvement. Elle décrypte par exemple le travail répressif grâce aux films produits par les services de sécurité pour surveiller, contrôler et intimider la contestation, et devenus archives.
La dimension démocratique du mouvement s’exprime aussi par quantité d’initiatives dans les entreprises démontrant la capacité d’action des ouvriers. Ce dernier aspect fut sans doute occulté par les médias nationaux français qui mettaient en valeur Walesa, seule la presse militante en faisait état. Cette expérience entraîna aussi des conséquences dans la vie politique française, des syndicats se mobilisent, le PCF entame son déclin historique, la deuxième gauche n’en finit pas de ne pas émerger comme alternative politique. Malgré la solidarité affichée, une certaine distance s’opère entre les deux univers, français et polonais. Question de laïcité ? Hormis la CFTC, peu d’ouvriers se reconnaissent dans leurs homologues polonais qui assistent à la messe, se confessent et communient en public. Question de comportement et d’exercice de libertés ? Le récit de la visite de Walesa en France est significatif.

Enfin, l’ultime apport de ce livre est sans doute de mesurer ce qui sépare les temps présents des espoirs et des joies de 1980 et 1981. En effet, rien n’est jamais acquis, mais rien n’est totalement perdu…

Francis Pian

Une histoire visuelle de Solidarnosc, Ania Szczepanska. Ed. de la Maison des sciences de l’homme, 2021

PAR : Francis Pian
Groupe Commune de Paris

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