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Littérature
par Patrick Schindler • le 24 octobre 2021
Octobre, nouveau message du rat noir
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Fin octobre, le Rat noir vous entraîne dans la Grèce du XIIIe siècle, alors sous domination franque et vénitienne, en compagnie de la Princesse Isabeau d’Angélos Terzakis ; Puis, dans l’Allemagne de la fin du XIXème siècle, avec l’inquiétant Dr Faustus de Thomas Mann ; Nous accompagnons ensuite la jeune Madeleine Proust de Lola Sémonin, faire « bonne à Paris » pendant l’Occupation. Suivi d’un petit tour dans l’Amérique des années 30 avec Billie Holiday et enfin, feuilleter ensemble l’album du Garçon en polaroïd de Shaun Levin.
Angélos Terzakis et La Princesse Isabeau
Angélos Terzakis est né à Nauplie en 1907. Il termine ses études à Athènes et commence sa carrière littéraire en 1925, avec un recueil de nouvelles. Il fut également dramaturge mais est surtout connu en Grèce pour son œuvre romanesque dont les personnages « pris dans l’étau d’une société étriquée, sont confrontés à des rêves que leur environnement ne leur permet pas de réaliser ». Son unique roman historique, La Princesse Isabeau, est paru en 1945.
Aris, des éditions Aiora (Athènes) a conseillé La Princesse Isabeau d’Angélos Terzakis au Rat noir. Bon conseil ! Il s’agit de l’histoire de Nikiphoros Sgouros, jeune homme grec citoyen de Nauplie à la fin du XIIIe siècle. Alors que, fait peu connu aussi bien Grèce qu’en France, les Latins catholiques, Espagnols, Français et Vénitiens, avaient pris Constantinople et conquis une grande partie de l’Empire Byzantin, à la suite du détournement de la quatrième croisade. L’intrigue du roman de Terzakis s’inspire en largement de la Chronique de Morée (écrite au XIVe siècle). La présence espagnole, française et vénitienne dans cette partie de la Grèce, aux XIIIe et XIVe siècles, est racontée en détail dans la notice historique précédant le roman.
Venons-en à l’intrigue. Elle débute un soir d’automne tandis que Nikiphoros Sgouros, fils de feu-Léon Sgouros, seigneur de Nauplie et d’Argos, rentre à Nauplie sur Astritis, son étalon chéri avant la fermeture des portes, et tombe sur le vieux génois, Matteo Cafouris, qui n’est autre que le père de sa maîtresse, la sulfureuse et ambiguë, Bianca. Ce soir-là, Nikiphoros doit justement retrouver celle-ci. Il la fréquente en loucedé de son père depuis trois années. Ayant rencontré Metteo sur son chemin, Nikophoros est rassuré : le bonhomme va dormir sur sa plantation d’oliviers, il a donc la voie libre pour retrouver sa belle. En rentrant dans Nauplie, il aperçoit la Princesse Isabeau, en visite dans la ville. Il est subjugué par cette belle femme, si digne et entourée de mystère. Il rejoint Bianca. Celle-ci semble bien plus amoureuse de lui qu’il ne l’est d’elle. Ils passent la nuit ensemble, avec la complicité de la vieille servante de la jeune fille. Mais au milieu de la nuit, ils sont réveillés par une forte agitation : le frère de Matteo et ses corsaires ramènent le corps de ce dernier, bien abîmé. Par ce hasard, Nikophoros va être impliqué comme complice dans cette histoire, pas très claire. Il arrive cependant à s’échapper lors d’une bagarre avec la garde française, alertée par les voisins. Il n’a plus que le seul choix de s’enfuir. Déguisé en moine, il laisse à Nauplie, sa vieille nourrice adorée et Bianca. Il arrive une seconde fois à échapper à deux sergents de ville à sa recherche, tandis qu’il fait une halte dans une auberge. Et ceci, grâce à l’intervention d’un chevalier français, Jean de Tournai. Malgré cela, Nikiphoros va de Charybde en Scylla, « acculé par le sort qui s’acharne contre lui ». En effet, il se retrouve impliqué malgré lui, dans des cabales de Palais. Angélos Terzakis laisse de côté l’intrigue du roman durant quelques pages, pour nous faire une petite leçon sur l’histoire, pleine de rebondissements, de la principauté autonome de Mistra, petit état grec noyé au milieu de la Morée française (nom médiéval du Péloponnèse), fief des Villehardouin.
Nous retrouvons ensuite Nikiphoros Sgouros, accusé d’avoir tué un messager alors que l’auteur de ce crime n’est autre qu’un moine malfaisant. Il est donc rejeté par son oncle chez lequel il était venu trouver refuge et conseil, Sgouramallis, le protector (chef grec) de Mistra, et se retrouve enfermé au fond d’un cachot « abandonné au point d’en pleurer […] comme un oiseau blessé qui essaie encore de s’envoler ». Mais son oncle a vent de la supercherie, aussi intervient-il auprès des autorités, persuadé la bonne foi de son neveu mais pour l’éloigner l’envoie en mission et lui confie un message qu’il doit apporter en main propre à Saint Omer, à Atravida. Il part donc sur son étalon et c’est ainsi que commence véritablement l’aventure, tandis qu’il croise pour le seconde fois la belle Princesse Isabeau, de passage dans la même auberge, en route vers son château de Kalamata. Décidément !
La seconde partie du livre nous présente à présent la Princesse Isabeau d’Achaïe, fille d’une mère grecque, Anna Angelina Comnère et de Guillaume de Villehardouin. Elle nous parle longuement de sa petite enfance passée en solitaire dans leur château de Kalamata, en Morée. Une nouvelle occasion pour nous de découvrir cette époque de la Grèce, agitée. Puis nous suivons la princesse Isabeau envoyée à Apuli (Naples) pour épouser Philippe d’Anjou, mariage on ne peut plus stratégique. Nous allons vivre à ses côtés (et donc revivre dans l’ambiance moyenâgeuse tardive très bien rendue) jusqu’à la mort prématurée de son premier mari et partir avec elle, devenue veuve, de retour en d’Achaïe jusqu’à son nouveau mariage, cette fois-ci d’amour, avec Florent de Hainaut, seigneur de Flandres qu’elle épouse en secondes noces.
Mais qu’est devenu entre-temps notre héros Nikiphoros Sgouros qui vit à présent avec une seule idée fixe : revoir la Princesse Isabeau ? Et par quel hasard ces quatre personnages-clés du roman, Sgouros le grec, Isabeau la semi-grecque, Jean de Tournai (baron de Kalavryta) et Matteo Cafouris vont-ils se recroiser ? Quel va être leur destin ? Quel va être celui de cette Morée, contrée du Péloponnèse actuel, où durant deux siècles, se sont rencontrés l’Occident féodal et le monde byzantin ?
La magie de ce roman est due à l’art du conteur à si parfaitement faire revivre l’atmosphère de cette Grèce médiévale, souvent ignorée des Grecs modernes, dont la plupart ont préféré en effacer tout souvenir ? Un univers où se croisent ménestrels français et bergers grecs sous un même ciel. Il convient de souligner également le talent avec lequel Angélos Terzakis nous décrit cette Morée, ses paysages envoûtants, parfois si charmants, parfois si menaçants avec leur « Ciel, souillé, qui charrie d’énormes nuages hirsutes, volutes délétères échappées de chaudrons qui bouillonnent sous terre ». Paysages qui, (à l’inverse des châteaux francs et vénitiens dont il ne reste aujourd’hui que quelques vestiges dans le Péloponnèse) n’ont, eux, que très peu changé … Ces villes et villages que nos héros traversent en un bruyant vacarme, où se mêlent « Grecs ; étrangers ; Juifs aux cheveux longs ; Slaves ; Vénitiens aux étoffes précieuses ; bourgeois français se pavanant ; vilains et femmes du peuple et hommes en armes, partageant les rues avec les animaux » ! Nous sommes invités à assister à des scènes fascinantes comme celle d’un tournoi (véritable charnier) ou totalement hyperréaliste d’une pendaison publique où « Derrière le mur se balance un pendu. Voltigeant et croassant, les corbeaux, leurs gueules noires exhalant une odeur infecte ». Tout ceci dans le contexte d’un Bas Moyen-âge où de terribles fléaux déciment des populations entières, tandis que les paysans sont « rongés par la faim » et doivent subir en sus, l’arbitraire et la violence de ces arrogants Seigneurs français. Les « vilains » finiront-ils par se réveiller, par se révolter ? Ces forgerons ; tailleurs ; taverniers ; laboureurs et leurs femmes et enfants, abrutis d’histoires de lamies (femmes vampires) et de néréides (féés ensorceleuses) ? Se trouvera-t-il quelqu’un sur leur route pour les aider à sortir de leur abêtissement et de leur soumission ? Quelqu’un capable de leur faire retrouver leur dignité d’hommes ?
Chers lecteurs amateurs (ou non) de contes épiques médiévaux hauts en couleurs, nostalgiques d’amours courtois et autres admirateurs de mélancolies moyenâgeuses et de rêves inassouvis : n’hésitez plus, avant de vous précipiter sur La Princesse Isabeau !
Thomas Mann et le Docteur Faustus
Thomas Mann, l’écrivain et prix Nobel allemand est considéré comme une des figures les plus éminentes de la littérature européenne de la première moitié du XXe siècle. Il est né en 1875, à Lübeck. Frère d’Heinrich Mann, il est très tôt influencé par Arthur Schopenhauer et l’étude des rapports entre l’individu et la société. Ce qui ne l’empêche pas, ainsi que son frère, de s’engager (mais chacun à son rythme) pendant les années de la montée du nazisme, afin de défendre les « valeurs mises en péril » par les nazis. Thomas se posant, moins radical que son frère, en représentant de la « bonne Allemagne » et de ses meilleures traditions. Thomas Mann est également le père d’Erika et Klaus, ses deux aînés, eux, très impliqués prématurément dans la lutte antinazie.
Mais pourquoi le Rat noir a-t-il choisi de parler de ce dernier grand roman écrit par Thomas Mann ? D’autant plus qu’il serait aisé de qualifier ce livre de « daté », car placé dans la pure tradition littéraire germanophone classique ? Les raisons sont multiples. Tout d’abord parce Thomas Mann a commencé la rédaction de son Docteur Faustus en pleine seconde guerre mondiale, en 1943, tandis qu’il n’a été publié qu’en 1947. Il l’a donc entamé lorsqu’il était en exil en Californie et terminé tandis qu’il avait regagné l’Europe et refusé de retourner en Allemagne « ce pays souillé par le nazisme ». C’est ainsi que ce grand roman classique (dont l’action se déroule de la fin du XIXe siècle au début du XXe et se termine comme une véritable symphonie) est néanmoins traversé de considérations de l’auteur sur le nazisme, puisque le narrateur est censé écrire l’histoire de son héros dix ans après sa mort. Ce qui donne l’occasion à Thomas Mann de mettre en parallèle deux époques différentes de l’Allemagne. Cette Allemagne dont contrairement à ses deux enfants aînés, Erika et Klaus, Thomas Mann, fils de la bourgeoisie de Lubëck, ne réussira jamais vraiment à se défaire, ainsi que des liens affectifs qui le lient avec son pays d’origine.
Mais Docteur Faustus est également un roman sur la passion. Passion de la musique (Thomas Mann était un grand admirateur de Richard Wagner), poussée à son extrême limite. Les deux héros sont en premier lieu le narrateur, Serenus Zeitblom (promis à une carrière de docteur en philosophie) et le second personnage, son ami d’enfance, Adrian Leverkühn (surdoué), « brillant en tout, même trop brillant aux yeux des adultes qui l’approchent », loin pour autant d’être un « crâneur ». D’un tempérament au contraire, timide et réservé, Adrian ne se laisse que rarement aller, ou alors avec parcimonie et uniquement en présence de son seul ami et confident, Serenus. Nous les accompagnons durant leurs années d’enfance et d’adolescence dans leur jolie petite ville de Thuringe (Allemagne centrale de l’est). Très jeune, Adrian se distingue de la masse, né dans au sein d’une famille paysanne pauvre, il est très doué pour les études et est envoyé chez son oncle Nicolaus, qui possède un dépôt d’instruments de musiques en ville. Et c’est chez lui que les deux gamins vont découvrir petit-à-petit l’univers de la musique. Adrian y étant plus sensible que Serenus, son oncle Nicolaus lui trouve un professeur de Piano, Wendell Kretzschmar. Cet homme extravagant a pour autre passion, d’animer dans la petite ville, des conférences passionnantes et originales mais qui pour autant, n’attirent pas les foules provinciales. Mais c’est à son contact qu’Adrian emmagasine le matériau nécessaire à son évolution future de compositeur de génie et construit déjà sa conception toute personnelle, mathématique de la musique. Cependant, avant de se donner à sa passion, il décide de commencer son initiation, fait qui n’était pas rare à cette époque, par des études de théologie à Halle, la grande ville voisine. C’est là que nous allons suivre les deux jeunes hommes, dans un contexte estudiantin convivial (typique de cette Allemagne classique de la fin du XIXe siècle), Serenus y terminant lui, ses études de philosophie. Voilà pour les bases du roman.
Nous allons donc, suivre le destin de ces deux héros, qui nous sera raconté par Serenus. Serenus, qui malgré leur amitié, ne réussira jamais à circonvenir la façon de fonctionner intellectuellement d’Adrian. Adrian, génie en herbe, mais sujet en permanence à de douloureuses migraines et véritable irrésistible « chieur » ! Nous allons faire connaissance petit-à-petit des autres personnages du roman, tous plus hauts en couleur les uns que les autres. Notamment leurs camarades étudiants, ainsi que leurs professeurs, dont le fantasque théologien, Doktor Kumpf « qui n’a pas peur du diable et voit le malin comme un imposteur ». Eberhardt Scleppfuss, professeur de psychologie et de religion qui conseille à ses élèves en théologie de « céder à la tentation », tout en prenant garde à la « femme sorcière ». Ceci jusqu’à ce qu’Adrian, déçu par ses études de théologie les abandonne et parte à Leipzig, pour y approfondir ses connaissances en musicologie. Mais, le hasard fait que le valet chargé de l’accompagner se trompe d’endroit et fait installer Adrian dans un bordel… C’est ainsi que pour la première fois, il rencontre l’envoûtante Esmeralda, qui va marquer son destin, puisque c’est elle qui va lui transmettre, lors de sa première expérience sexuelle, la syphilis. Tout ceci entrecoupé de scènes de description des lieux que le héros traverse, de ses réflexions philosophiques des plus passionnantes, etc. Enfin sous la plume et avec l’immense talent du grand conteur des Buddenbrook, de La Montagne magique ou de La mort à Venise : Thomas Mann.
Nous retrouvons plus loin Adrian, par l’intermédiaire du narrateur, Serenus qui, devenu professeur de philosophie et marié, bien que très liés, ne voit plus son ami d’enfance, qu’épisodiquement. C’est par l’intermédiaire de ce dernier que nous allons suivre l’évolution intellectuelle d’Adrian, de sa maladie tandis que bizarrement, alors qu’ils essaient de le soigner, tous ses médecins disparaissent les uns après les autres. C’est ainsi que pour essayer de comprendre ce qu’il lui arrive, Adrian est amené dans une scène hallucinée, à rencontrer le diable et forcé de signer un pacte avec ce dernier, qui lui propose « l’inspiration archaïque du primitif pour accéder à l’inspiration pure » et de « transcender l’amour et la création impossible pour atteindre la perfection des Fleurs du Mal », en échange de pas grand-chose, puisque sa vie est déjà bien compromise par la syphilis…
Nous sommes invités ensuite à suivre l’évolution musicale d’Adrian « vers le tout ». De la composition de ses premiers lieder, où il met en musique des poèmes de Paul Verlaine, de Blake, Keats ou de Brentano et des extraits du Biron de Shakespeare, puis de son lieder majeur, Phosphorescence de la mer, interprété pour la première fois par un orchestre symphonique et qui provoque autant d’éloges que de critiques dans cette Munich de la fin de la Régence, quatre ans avant la Première guerre mondiale. Cette Munich « folle et innocente. Capoue enivrée d’elle-même, de bière et de Carnaval ». Munich dans laquelle, Adrian « l’étranger laconique » entretient « des rapports superficiels et éphémères avec des célébrités anoblies par les arts ». Nous partons ensuite avec lui et son ami Schildknapp en Italie. Schildknapp le Silésien, avec lequel Adrian partage une amitié « virile et chaste », dont le narrateur s’avoue jaloux. Nous retrouvons plus loin Adrian, rentré en Allemagne au début de la Première guerre mondiale. Cette Allemagne qui tandis que la guerre perdure, « s’enfonce dans la misère, tandis que la bourgeoisie continue à s’accrocher à ses privilèges. » Après cet épisode qu’il traverse en fantôme, Adrian va flotter entre des périodes d’exaltations et de dépressions, tandis que sa maladie continue à l’envahir et le force à se réfugier dans la campagne munichoise. De plus en plus seul et de plus en plus isolé durant les années Weimar « où règne, un esthétisme trop poussé avant-coureur de la barbarie ». Suivent les années de l’inflation alors qu’Adrian toujours solitaire commence néanmoins à remporter quelques succès, avec sa Symphonie cosmique et son Concerto pour violon, aussi novateur qu’original, pour foncer, tête la première vers la folie et son ultime et démoniaque symphonie, Doctor Faustus. Celle-ci, comme son auteur, explosant dans un final digne de la plus grande scène apocalyptique ... Du grand roman !
Pour construire le personnage d’Adrian Leverkühn, Thomas Mann s’est inspiré de la vie de Schönberg (pour ce qui concerne les épisodes de la maison close), d’Hugo Wolf, le compositeur autrichien, mort fou (pour la partie sur les lieder), de Nietzsche (pour la partie philosophique). Mais notons qu’avant tout, Adrian correspond à l’idée que se fait Thomas Mann de l’artiste ce « frère du fou et du criminel » ...
Ce grand roman est avant tout l’occasion pour Thomas Mann, d’aborder un de ses thèmes fétiche : «l’accomplissement de l’individu par la maladie ». Mais également une opportunité pour nous transmettre sa connaissance de la mélodie et de la musique classique. Mais, un autre intérêt du livre consiste à déguster au passage, les belles disgressions érudites de Thomas Mann, notamment, celle sur le « maquillage des coquillages » ou celle sur « les profondeurs abyssales des océans » et autre « éclatement du cosmos ». Un plaisir également de savourer quelques scènes-clés, comme celle du mariage en mode suisse de la sœur d’Adrian, où ce dernier durant la cérémonie, expose au narrateur sa conception toute particulière de l’amour physique. Autre scène, celle « hallucinante » déjà évoquée plus haut, Méphisto-métaphilosophique par excellence, dans laquelle Adrian reçoit la visite de Samaël qui évoque « l’inéluctable de la condition humaine soumise aux caprices diaboliques », prenant pour exemple les catastrophes du Haut-Moyen-âge dans les « régions barbares du Rhin ». Heureusement, ces passages assez dérangeants sont compensés par d’autres assez nombreux qui laissent la place au rêve, à la contemplation des villes des campagnes allemandes, de Leipzig à Munich, de la Saxe à la Bavière mais aussi, de l’Italie, la Suisse, de l’Autriche et de la Hongrie, où se déroule tour à tour l’action. Dans cette Hongrie où nous assistons à une des scènes les plus hilarantes du roman, tandis qu’Adrian tombe dans les pattes d’une admiratrice aristocrate hongroise qui devient son occulte mécène, ou lorsqu’il est approché par un improbable impresario juif-polonais ...
Docteur Faustus est aussi l’occasion pour Thomas Mann, (puisque comme nous l’avons déjà signalé plus haut, le narrateur est censé écrire l’histoire d’Adrien en pleine Seconde guerre mondiale, tandis que l’Allemagne nazie est en train de s’écrouler) d’insérer des passages très politiques. Tout d’abord, en revenant sur la situation de l’Allemagne occupée après la Première guerre mondiale, ou encore, lorsqu’il laisse un aristocrate dégénéré avancer sa théorie antisémite, une scène édifiante. Cela permet également à Thomas Mann d’évoquer les premières années de la République de Weimar, ainsi que la répression de la Révolution allemande (1918-1919) et la méfiance généralisée après sa Révolution prolétarienne, de la nouvelle Russie soviétique. Large focus, donc, qui débute dans l’Allemagne d’avant la Première guerre mondiale (celle culturelle des grands musiciens poètes et philosophes, « désuète et dès lors disparue, bien qu’universelle »), et se termine dans une tout autre Allemagne, qui sans aucun doute pour Thomas Mann, eut eu un tout autre destin sans le nazisme !
Lola Sémonin : La Madeleine Proust, une vie
Qui eut pu croire que Lola Sémonin, après avoir tout juste quitté les planches en 2018 et avoir ôté les vêtements de son personnage, « la Madeleine Proust » (qu’elle incarna sur scène durant une trentaine d’année), allait nous laisser sans nouvelles pour jouir tranquillement de sa retraite de comédienne en se retirant dans son Haut-Doubs natal ? Rappelons tout d’abord aux fidèles du site du Monde libertaire que durant la première vague de pandémie Covid, Lola Sémonin nous a gratifié de ses vidéos quasi-quotidiennes …
Après Thomas Mann, nous restons donc dans la période de la Seconde guerre mondiale avec ce troisième tome de La Madeleine Proust, une vie, de Lola Sémonin, « sous la botte 1940-1941 » (éditions Decrite, 21€). En effet, dans le deuxième tome, nous avions quitté la petite Madeleine dans son Jura natal, à l’aube de ses quinze ans. Mais la guerre faisant, comme il faut bien surmonter les difficultés financières de sa famille de paysans et de sa nombreuse fratrie (sept gosses), en ce 1er janvier 1941, elle se retrouve au début de ce troisième tome, seule dans un train pour Paris. Et ce n’est pas pour son plaisir si elle « monte à la capitale », mais pour y faire « bonne ». En effet, des cousins très éloignés et « hauts placés », les Villemey, l’ont embauché pour remplacer leur bonne bretonne qui leur a fait défaut. Durant ce pénible voyage dans une France occupée, elle doit partager son compartiment avec des soldats allemands, grosses brutes avinées et vulgaires. Confinée dans ce train avec cette seule compagnie, la jeune fille ne trouve comme remède à son malaise, à sa peur des Boches, que l’évasion par le rêve. Ainsi prend-elle plaisir à revivre les six derniers mois qui ont précédé son départ forcé. Elle se souvient alors, comment les Allemands ont envahi son petit hameau, réquisitionnant fermes et bêtes, jusqu’aux vaches les plus misérables, « celles qui ressemblent à de vrais porte-manteaux ». Elle se souvient des premiers moments de la guerre quand le malheur était toujours à frapper. « Je voyais les arbres et les pierres pleurer avec moi ». Mais la jeune Madeleine évoque aussi dans son rêve éveillé, les jours heureux. Quand, isolés dans leurs chères montagnes, elle passe ces heures enchantées, « en tout bien tout honneur » avec Constant, son « bonami ». Quel doux plaisir également de se rappeler de son petit frère René, le dernier de la fratrie, futé comme un singe, « qui n’en manque jamais une ». Le p’tit René qui, lorsqu’il se fait tuer dans un jeu de gamins, se relève et s’écrit triomphant : « Oui, et ben moi, j’ai bien l’droit d’être démort » ! La jeune fille revoit aussi « le papa » et « la moman », paysans encore assez jeunes mais déjà usés qui savent rester plein de bon sens malgré les épreuves. Et les autres, sa petite sœur cadette, sa complice avec sa cousine, le voisin Ricet et les autres villageois du hameau, tous aussi attachants les uns que les autres ! Et puis, l’église, « le seul endroit où l’on peut un peu se reposer entre deux tâches », rêver un peu en regardant des images et en ayant les pieds à peu près au chaud. Nostalgie.
Après cette introduction où Lola Sémonin ne fait qu’évoquer pour notre plus grand plaisir, les deux premiers tomes de l’histoire de la Madeleine, le rêve est subitement interrompu quand la jeune fille arrive enfin à Paris qu’elle trouve « aussi dépaysant que doit l’être Zanzibar. Jamais de ma vie, je n’avais vu autant de monde. Et puis personne qui rendait le « bonjour ». Paris, une forêt de pierre » ! Elle découvre ensuite avec autant de stupeur, l’appartement des Villemey, ces riches bourgeois du XVIème arrondissement, un appartement « qui ressemble à un Palais. Avec ses meubles qui semblent n’être là que pour y faire tenir des objets de grande valeur » … Mais, Madeleine doit vite déchanter : elle n’arrive pas dans ce palace en invitée, mais réalise bien vite que c’est en tant que bonne ! Elle découvre alors son « domaine » réservé : une chambre minable sans chauffage sous les toits et la « petite cuisine puante » dans laquelle elle doit officier. Car si Madame Villemey l’a embauchée, c’est qu’on lui a venté ses talents de cuisinière. La maîtresse de maison lui fait les honneurs des lieux, afin que la petite bonne les découvre, ainsi que leurs différents usages. A une Madeleine qui « n’a jamais vu, ni même eu idée, qu’un tel luxe et de tels mœurs puissent exister ». Toutes ces choses « qui ne servent à rien » : le téléphone personnel, l’ascenseur « réservé aux visiteurs », l’aspirateur ou encore, cette pince à sucre en argent « pour ne pas salir le sucre » ! Elle est encore plus estomaquée par les tenues extravagantes que porte en pleine guerre, sa patronne.
Madame Villemey, frivole à l’extérieur ou lorsqu’elle reçoit ses prestigieux invités « qui boivent le champagne à petite gorgée comme s’ils n’avaient pas soif », mais très exigeante à l’intérieur. Durant ces « dîners du soir » où les invités se goinfrent de marchandises achetées au marché noir. Dîners durant l’un desquelles, Madame se croyant irrésistible déclare en pleine Occupation alors qu’elle mange sans appétit dans « un service de très grande valeur » : « Moi ce que je préfère dans le caviar, c’est le citron » ! Dîners durant lesquels se trouvent invités comme les autres, des collabos (bien utiles aux affaires de Monsieur) et voire, quelques « officiers boches » et autres drôles de drilles. C’en est trop à ingurgiter d’un seul coup pour la jeune paysanne. Ainsi, aussi paumée qu’éberluée, elle regarde tout, écoute tout de « ces gens qui eux, ne s’écoutent pas », de ces femmes qui passent d’un cocktail, chez le dentiste - (alors que dans son Jura natal, quand un vieux s’est fait arracher toutes ses dents on dit de lui : « Il n’a plus de chaises dans la salle-à-manger » !) - ou chez la manicure ! Voilà la nouvelle vie à laquelle est soumise la pauvre Madeleine. Une vie de fantôme. Un jour, Monsieur ne lui lance-t-il pas, alors qu’il est surpris de sa présence dans son bureau : « Ah, c’est vous Madeleine ! J’avais cru qu’il y avait quelqu’un » !...
Le contexte posé, nous allons donc la suivre, au jour le jour. Aller de découvertes en découvertes, plus improbables les unes que les autres. La voir ainsi prendre sa première cuite tandis qu’elle finit à la cuisine les coupes de champagne des invités. Ou découvrir les queues devant les magasins « dans ces rues si tristes, si loin de ses montagnes, des oiseaux sauvages et de ses gentianes et autres fleurs des pâturages ». Sa première descente aux abris durant un bombardement, « abris de riches en pyjamas de prix, avec tout le confort ». Mais la vie est bien faite car en contrepoint, la jeune Madeleine va également faire la connaissance de personnes bien sympathiques. Rachel, la belle-fille juive de Madame, qui lui fait découvrir les dessous d’un Paris « avec ses drapeaux rouges à croix gammée. Draps du diable qu’il aurait mis à sécher » ainsi que l’antisémitisme qui touche aussi bien les riches que les pauvres, ou encore qu’il existe des « PD ». La nièce zazou de Monsieur qui, faisant partie de la jeunesse dorée n’en défie pas moins les officiers nazis. La gentille concierge de la rue voisine, elle aussi montée à Paris par nécessité. Et puis, un jour en faisant une course pour Madame, Madeleine découvre enfin cette fameuse Tour Eiffel qui fait tant rêver les provinciaux, mais « si décevante en vrai ». Puis, descendant les quais de la Seine, elle va même croiser un curieux bouquiniste, un peu voyou et qui a un nom de fleur : un certain Jean Genet ! Mais ces rares moments de complicité et de détente sont bien rares, aussi Madeleine décide de se confier entièrement à son cahier. Celui-ci colore son quotidien tout le long de ce sympathique récit.
« Sous les bottes », un livre que l’on lit d’une traite, tellement il vous coule entre les doigts ! Ce qui était d’ailleurs, soulignons-le, déjà le cas des deux premiers tomes de la Vie de la Madeleine. Un grand merci à Lola Sémonin qui, après nous avoir fait rire et vibrer durant une trentaine d’années avec le sympathique personnage de la Madeleine Proust sur scène, nous ravie une fois de plus en nous racontant la suite des aventures de son héroïne. Mais qui surtout, nous restitue-là un fidèle tableau du Paris sous l’Occupation, vu à travers les yeux d’une jeune paysanne de seize ans, paumée dans ce Paris des riches et des collabos. Lola, contactée par le Rat noir, lui a confié avoir travaillé d’arrache-pied ces dernières années, s’appuyant sur de nombreux documents historiques, pour nous faire revivre ce morceau de la grande histoire, vu par le petit bout de la lorgnette pleine de verve et de bon sens de la jeune Madeleine Proust ... Aussi délicieux que le bon comté du Jura !
Strange Fruit de David Margolick
Dans la préface de Strange Fruit de David Margolick (éd. Alia), Hilton Als fait remarquer qu’il a souvent été reproché à Billie Holiday de ne « s’intéresser qu’à une littérature mineure, aux romans d’amour populaires et d’être prisonnières des paroles à l’eau de rose » qu’elle interprétait dans son répertoire. Jusqu’à ce qu’elle se mette à interpréter sa fameuse chanson évoquant un lynchage, Strange Fruit :
Les arbres du sud portent un fruit étrange
Southern trees bear a strange fruit
Du sang sur les feuilles et du sang à la racine
Blood on the leaves and blood at the root
Des corps noirs se balançant dans la brise du sud
Black bodies swingin’ in the Southern breeze
Des fruits étranges suspendus aux peupliers
Strange fruit hangin’ from the poplar trees
Scène pastorale du Sud galant
Pastoral scene of the gallant South
Les yeux exorbités et la bouche tordue
The bulgin’ eyes and the twisted mouth
Parfum de magnolias doux et frais
Scent of magnolias sweet and fresh
Puis l’odeur soudaine de chair brûlée
Then the sudden smell of burnin’ flesh
Voici un fruit à cueillir par les corbeaux
Here is a fruit for the crows to pluck
Pour que la pluie se rassemble
For the rain to gather
Pour que le vent suce
For the wind to suck
Pour que le soleil pourrisse
For the sun to rot
Pour que l’arbre tombe
For the tree to drop
Voici une récolte étrange et amère …
Here is a strange and bitter crop
Dans ce petit volume très documenté, David Margolick nous raconte l’étrange histoire de cette chanson. Chanson qui, pour la première fois dans l’histoire des Etats-Unis, s’en prenait de front à la haine raciale. Portée sur scène Billie Holliday en 1939 (seize ans avant que Rosa Parks refuse de céder sa place réservée aux blancs dans un bus de Montgomery), elle fut qualifiée par Leonard Feather de « premier cri non voilé contre le racisme ». De fait, elle provoqua la stupéfaction dans le public présent ce soir-là. Public composé pourtant en majorité de Blancs progressistes, mais lui causa par la suite bien des insultes et provoqua même des ratonnades dans d’autres clubs moins « tolérants ». Strange Fruit ne fut pas le seul apanage de Billie. Josh White l’interpréta également, ce qui lui valut d’ailleurs, d’être trainé en 1950, devant la fameuse Maccartiste, Commission des activités antiaméricaines.
Après cette présentation, l’auteur nous propose l’analyse du texte de Strange fruit, ce « document historique », cet « hymne contre le lynchage », cette « balade si dérangeante » dans le répertoire de Billie Holiday, jugé jusque-là comme « assez soft ». Un second titre viendra compléter cette nouvelle image, plus sombre, il s’agit de Gloomy Sunday. Egalement interprété en France par « la grande » Damia et qui sera jugé comme une apologie du suicide. David Margolick nous raconte ensuite l’histoire de Billie Holiday qui, après une jeunesse malheureuse, une vie amoureuse aussi violente que décevante et un parcours difficile et tragique, décèdera prématurément à l’âge de 44 ans. De désespérance, d’abus d’alcool et de drogues. L’auteur nous montre ensuite combien Strange fruit a pu transformer durablement, non seulement la vie de Billie Holiday qui se l’était appropriée, mais aussi marquer plusieurs générations d’écrivains, de musiciens et d’auditeurs, noirs et blancs autant aux Etats-Unis que dans le monde entier (elle fut bien évidemment interdite dans l’Afrique du Sud de l’apartheid et est encore interdite aujourd’hui sur certaines radios dans le monde !). Et combien cette chanson a pu influencer nombre de militants antiracistes. David Margolick de se demander alors : comment et pourquoi son auteur, le librettiste juif, Abel Meeropol l’avait écrit sous le pseudonyme de Lewis Allan ? Puis, comment et pourquoi, hors de toute classification musicale, Strange Fruit a-t-elle pu glisser entre les mailles des recherches universitaires ?
Dans la seconde partie de ce petit recueil, l’auteur revient sur l’histoire incontournable des 4 000 lynchages répertoriés qui eurent lieu après la guerre de Sécession, entre 1889 et 1940 et ceci, autant dans les états américains du Sud que dans ceux du Nord. David Margolick passe ensuite en revue les difficultés liées aux différents enregistrements du titre et les raisons pour lesquelles beaucoup d’artistes hésitèrent ou ne se sentirent pas capables d’interpréter Strange Fruit après Billy Holiday. La richesse de ce document est également de s’appuyer sur de très nombreux témoignages (Irene Wilson, Vernon Jarret, Waren Morse, Daddy O’Dayle, Brigitte McCulloch, Gene Marine, etc.), pour nous raconter les péripéties de la vie intime de Billy Holiday. Mais aussi expliquer les raisons pour lesquelles elle prit autant de libertés dans sa biographie Lady sings the Blues, avec les épisodes si marquants de sa vie réelle. Il est possible qu’après avoir lu ce petit livre, certains d’entre nous n’écoutent plus Strange Fruit tout à fait de la même façon …
Le garçon en polaroïd de Shaun Levin
Charmant petit livre qu’a envoyé Anne Laure Brisac des éditions Signes et Balises, au Rat Noir. Il s’agit du Garçon en polaroïd de Shaun Levin (11€), un récit intime rempli de charme qui se présente sous l’aspect d’un album de photos polaroïds. Dans lequel on découvre ce souriant petit garçon roux, en maillot de bain léopard qui, tenant un seau percé « sait bien qu’on n’a pas besoin de le réparer pour y transporter du sable mouillé ». Ce petit garçon, « une chochotte », « une grosse tapette qui deviendra toute moche avec l’âge ». Mais qui pourtant était si mignon petit et si désirable adolescent avec ses boucles rousses ! Ce garçon « qui aurait tellement voulu être un chien pour que son père le caresse », ou bien « un poussin qui frétille désespérément au creux d’une main ». Ce garçon qui aime bien qu’on le photographie dans son « école juive où il y a quelques chrétiens » et dans laquelle « le bonheur va toujours avec le rejet ». Ce garçon dont « on se sert de la beauté avant de le jeter ». Qui, malgré le sport qu’il se force à faire, se fait traiter encore de tapette. Qui n’a que des expériences ratées avec des filles lors de ses vacances en Afrique du Sud ou sur les bords de la mer Rouge. Ce garçon qui « regarde les autres garçons avec gourmandise ». Toujours à contre-courant. Et que deviendra une fois devenu vieux, ce garçon « qui se dandine sans vergogne sur ses talons aiguilles » ? Sera-t-il un jour une fille ou un homme (ou « tout comme ») ? Ce tendre témoignage nous le révélera-t-il ou nous laissera-t-il sur notre faim et notre imagination ? Nous laissera-t-il comme seule références quelques photos polaroïd, quelques sourires sous le soleil, se succédant dans un recueil qui nous raconte une histoire simple et hélas trop banale. Sur un ton qui se veut désinvolte, mais ne peut voiler une sensibilité à fleur de peau et une poésie qui semble balayer toutes les mauvaises vibrations. Un beau livre.
Patrick Schindler, individuel FA Athènes
PAR : Patrick Schindler
individuel FA Athènes
individuel FA Athènes
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1 |
le 26 octobre 2021 20:00:07 par Christophe |
J’ai tout adoré !
2 |
le 28 octobre 2021 19:39:18 par Le rat noir |
Merci à toi Christophe, cela m’encourage à découvrir et faire partager d’autres trésors de la littérature, ancienne ou moderne. D’ici, ou d’ailleurs... Patrick